fbpx
icons/play-video

Courir de Tasiujaq à Québec

Par Josée Martineau

Je travaille au Nunavik, à Tasiujaq, comme infirmière depuis 5 ans. Les problèmes sociaux d’alcool, drogue, violence, suicide et d’abandon scolaire sont malheureusement trop présents. Il n’y a pas de gym et il y a 9 mois d’hiver par année. Un bateau amène en fin d’été les denrées sèches, les outils et les vêtements de l’année pour l’unique magasin du village. Mais le Nord, c’est aussi l’immense territoire, la débrouillardise, les Inuits qui aiment rire et jouer, une population très jeune, la nourriture sauvage et les aurores boréales.

Un jour d’avril, je m’apprête à aller au dispensaire où il y a un tapis roulant. Je vois deux adolescents de 14 ans entrer dans le vieux garage, endroit prisé des jeunes pour aller consommer. Un petit groupe de filles de 9-12 ans les suit. Alors qu’elles s’approchent du garage, je sors dehors. Une des filles me demande : « Où vas-tu?». J’indique mon intention d’aller m’entrainer sur le tapis roulant. Immédiatement, la jeune reprend : « Est-ce qu’on peut venir? » En moi, la question ne fait qu’un tour. Si je dis oui, c’est certain que je ne peux pas courir autant que je le souhaite, mais si je dis non, c’est certain que les filles vont se joindre au groupe et être sollicitées à consommer à leur tour. J’accepte donc qu’elles m’accompagnent. Les jeunes courent à tour de rôle sur l’unique tapis roulant, quelques minutes à la fois. À la fin de la séance, une jeune me demande : « Est-ce qu’on peut revenir demain? »

Je cherche une course accessible aux jeunes de cet âge qui leur permettra de ne pas manquer trop d’école. La Course des jeunes Tanguay (5 km et 2 km) de Québec est parfaite! Je demande aux jeunes s’ils sont intéressés à continuer l’entrainement en vu d’aller à Québec… imaginez leur enthousiasme! Les jeunes ne sont jamais ou peu souvent allés au Sud. Je fais ensuite des démarches avec l’aide des Inuits du village pour trouver du financement. Tasiujaq, c’est loin de Québec, c’est 7h de petit avion avec 2 escales, il n’y a pas de route pour s’y rendre.

Les jeunes continuent l’entraînement, d’abord habillés en hiver avec des températures sous zéro, puis dans la boue, chaussés de bottes de pluie, et, finalement, sous le soleil avec un million de moustiques! Grâce à un organisme de Québec, Accès-Loisir, ces jeunes de milieux défavorisés ont pu avoir de bonnes espadrilles et des vêtements pour continuer à s’entrainer.

Sur la photo: Josée Martineau, au centre.

Le grand jour approche, tout le groupe a hâte de vivre cette course et de découvrir la magnifique Ville de Québec pendant une semaine. Nous irons à l’Aquarium, aux Chutes Montmorency, à l’Ile d’Orléans, sur le bord du fleuve Saint-Laurent, aux Galeries de la Capitale, au Musée de la Civilisation et bien sûr dans le Vieux-Québec. J’ai hâte de les voir fiers et émerveillés de leurs réussites et découvertes. Ils sont déjà très heureux d’être les huit jeunes choisis pour vivre cette course alors qu’une vingtaine s’entrainent et aimeraient y participer. Cette victoire sera une expérience marquante dans leur vie, qui sait, peut-être déterminante pour continuer de saines habitudes de vie et d’estime de soi… Je leur souhaite!

 

This site is registered on wpml.org as a development site.