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Le jour où j’ai arrêté de manger

Par Joannie Fortin, La Folle qui court, ambassadrice Je Cours Qc.

Je vous mets en contexte : j’avais 17 ans. Je venais de quitter le nid familial pour aller étudier au cégep dans une autre région. Comme bien des jeunes dans la même situation que moi, après une session, j’avais pris du poids. Quelques livres, mais rien pour me déranger. Et c’est durant la période des fêtes qu’on m’a dit « Ouf, Joannie, t’es rendue bien trop grosse ».

Et le pire… c’est que j’y ai cru.

À ce moment-là je me suis dit « PU JAMAIS personne ne va me dire ça ». C’est là que j’ai arrêté de manger. J’ai maigri dans le temps de le dire. Enfin, j’avais l’impression d’avoir le contrôle sur ma vie. J’étais très fière de moi… Jusqu’à un épisode émotif où j’ai fait ma première crise de boulimie. En 10 minutes, j’ai dévalisé le garde-manger. Quand j’ai finalement pris conscience de ce qui venait de survenir, évidemment, je me suis sentie coupable… et je vous laisse deviner la suite.

Sans le savoir, je venais de m’embarquer dans un cercle vicieux qui allait durer 12 ans. 12 années à être obsédée, jour et nuit. Je me couchais le soir en me félicitant de ne pas avoir mangé. Je me levais le matin en me motivant à ne pas manger. Ça, c’est quand ça allait bien. Autrement, quand ma vie prenait ne serait-ce qu’une petite débarque émotive, je mangeais. Beaucoup.

Je suis devenue une excellente menteuse, une excellente manipulatrice. À trouver excuse par-dessus excuse pour ne pas manger ou faire semblant de l’avoir fait quand j’étais en présence d’autres personnes. Plus le temps passait, plus je m’isolais. J’ai failli perdre mes amies, qui ne comprenaient tout simplement pas ce qui advenait de moi.

Ce qu’il faut comprendre quand on devient à ce point obsédé par la nourriture, c’est comme si on perdait une partie de nous-mêmes. Comme si on devenait quelqu’un d’autre. La Joannie que tout le monde avait connue était disparue. J’étais tellement hantée par les pensées reliées à mon poids que mon univers était complètement déphasé. Je me suis mise à prendre des décisions et faire des choix qui ne me représentaient pas. Je m’entourais de personnes toxiques. En conséquence, j’avais toujours l’impression d’avoir un nuage gris au-dessus de ma tête.

Un jour, j’en ai eu assez. J’étais tannée du négatif dans ma vie. C’était en 2014. J’ignore si c’est en désespoir de cause de me dire que ça ne pouvait pas être pire, mais un samedi de mars en 2014, je suis partie courir. Je ne sais pas combien de temps ou quelle distance j’ai couru, peu importe. Ce qui est important et ça, je vais m’en rappeler toute ma vie, c’est l’état dans lequel j’étais quand je suis revenue.

Je me sentais bien. Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas sentie comme ça. Comme si un gros poids venait de s’enlever de mes épaules. On s’entend : ça n’a pas réglé mes problèmes, mais ça m’a fait passer une meilleure journée. Tellement que j’ai eu hâte au lendemain pour pouvoir recommencer. Avoir hâte au lendemain… Ça aussi ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé.

Je venais de découvrir une passion en la course à pied. La course a rapidement fait partie de mon quotidien. J’avais du plaisir lorsque je courais et je sentais que j’avais une certaine facilité à pratiquer cette activité sportive. Ça me motivait énormément.

Et l’impossible arriva :  je me suis mise à vouloir manger. Qui l’eût cru ?! Oui, parce que je réalisais que la course à pied me donnait faim et que si je voulais continuer de courir et en faire régulièrement, j’allais avoir besoin de carburant. Je me suis donc intéressée à la nourriture. Et tranquillement, je me suis mise à manger sans culpabilité. Avec le temps, ma relation avec la nourriture a complètement changé. Avant je ne mangeais pas dans le but d’atteindre mes objectifs d’image corporelle. Maintenant, c’est : « qu’est-ce que je dois manger pour être capable d’atteindre mes objectifs ? ». La course à pied m’a aussi permis d’accepter que mon corps change. Accepter qu’il me fallait des muscles si je voulais être capable de gravir une montée ou encore de compléter un demi-marathon.

Mes pensées obsessives se sont doucement dissipées.

La course à pied m’a permis de me débarrasser de tout ce qui me hantait depuis des années, de faire du ménage dans ma tête. Un ménage qui a laissé de l’espace pour accueillir de nouvelles personnes dans ma vie et retrouver la VRAIE Joannie. Une Joannie joyeuse, créative et remplie de projets.

Aujourd’hui, je peux dire avec fierté que les troubles alimentaires sont derrière moi depuis plusieurs années.  La Joannie que je vois aujourd’hui, je la trouve belle. Vous aurez compris que ça va au-delà de mon apparence physique. Je me trouve belle dans mes accomplissements, je me trouve belle dans ma tête. Mais ce serait vous mentir que d’affirmer que c’est ainsi au quotidien. Il y a des jours où je ne me sens pas au top, où je n’ai pas une confiance aussi solide que je ne le voudrais. Et quand je prends le temps de me rappeler d’où j’arrive, de constater tout le travail qui a été fait au cours des dernières années, c’est souvent tout ce dont j’ai besoin pour éclaircir mon esprit et regagner cette confiance affaiblie par des idées embrouillées.

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